Les Seigneurs (Aredit.Graphic.Novel)

(Arédit, 1984)  

Une curiosité de la collection DC Graphic Novel

En novembre 1984, les lecteurs français découvrent chez Arédit un album un peu particulier : Les Seigneurs. Publié dans la collection Arédit DC Graphic Novel, ce récit complet est l’adaptation française de WarLords, paru quelques mois plus tôt aux États-Unis chez DC Comics. 

Contrairement aux séries mensuelles classiques, il s’agit ici d’un one-shot (Dans la série VO il y a 7 volumes, tous des one shot et 3 seulement ont traduits dont celui proposé aujourd'hui) proposé dans un grand format cartonné et en quadrichromie, qui mettait en avant une impression de meilleure qualité et une ambition narrative plus adulte que les comics de kiosque de l’époque.

Le scénario est signé Steve Skeates, auteur bien connu des années 70–80 qui a œuvré sur des titres aussi variés qu’Aquaman, Hawk and Dove ou encore The Spectre. Sa plume mélange volontiers action, mythologie et réflexion sociale. 

Aux dessins, on retrouve David Wenzel, illustrateur qui fera plus tard parler de lui pour son adaptation en bande dessinée du Hobbit de Tolkien. Son style pictural, détaillé et expressif, se prête parfaitement à l’univers de fantasy sombre qui imprègne Les Seigneurs.

L’histoire transporte le lecteur dans un monde où règnent de mystérieux puissants, les fameux « Seigneurs ». Figures d’autorité parfois divinisées, parfois craintes, ils exercent une domination sans partage sur des peuples réduits à l’obéissance. Le récit met en scène une quête de résistance et d’émancipation, où le pouvoir et la hiérarchie deviennent des enjeux centraux. Bien qu’autonome, l’album parvient à donner la sensation d’un univers vaste et cohérent, à la manière des grandes sagas de fantasy des années 70–80. On y retrouve des échos aux ambiances de Tolkien, mais aussi aux récits plus âpres de la sword & sorcery, tels que Conan ou Elric de Melniboné.

Graphiquement, l’album se distingue par ses planches riches et colorées. David Wenzel joue sur des contrastes forts et sur des compositions audacieuses qui renforcent l’atmosphère à la fois épique et oppressante du récit. Le format du DC Graphic Novel lui permet d’exploiter pleinement la couleur, dans une impression qui se voulait plus « haut de gamme » pour l’époque, un peu à mi-chemin entre le comics et le livre d’illustration.

En France, Les Seigneurs est resté une œuvre assez confidentielle. Avec un tirage limité à la collection Arédit DC Graphic Novel, et en l’absence de suite, l’album est aujourd’hui considéré comme une curiosité, voire une petite rareté. On le trouve encore d’occasion pour une poignée d’euros, mais il demeure largement méconnu, éclipsé par d’autres publications plus médiatisées de l’époque. Pourtant, il illustre bien la volonté des éditeurs américains de diversifier leur offre au début des années 80, en proposant des récits complets plus ambitieux, destinés à un lectorat qui cherchait autre chose que les simples aventures super-héroïques.

Redécouvrir Les Seigneurs aujourd’hui, c’est plonger dans un morceau d’histoire éditoriale à part : une tentative de marier la richesse graphique de l’heroic fantasy à la structure du graphic novel, dans un format pensé pour séduire les amateurs de récits autonomes et de mondes imaginaires foisonnants. C’est un album qui mérite d’être remis en lumière, autant pour la beauté de ses illustrations que pour son statut singulier dans le paysage de la BD traduite en France. 

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