L’autre magazine de science-fiction en BD des années 80
Au tournant des années 1980, la bande dessinée française traverse une période d’effervescence. Métal Hurlant a ouvert la voie à une génération d’auteurs de science-fiction audacieux, les éditeurs multiplient les expérimentations graphiques, et les librairies spécialisées voient naître une véritable culture de l’imaginaire. C’est dans ce contexte bouillonnant qu’apparaît un titre aujourd’hui presque oublié : Neutron, sous-titré Magazine de science-fiction en bandes dessinées.
Publié par Promarcy entre 1980 et 1981, Neutron voulait s’imposer comme une revue ambitieuse, à mi-chemin entre le magazine de BD et le fanzine éclairé. Le format, déjà, tranchait : grand, dense, imprimé en noir et blanc, parfois rehaussé de quelques pages en couleurs dans les derniers numéros. Le projet se voulait à la fois un laboratoire graphique et une vitrine pour les auteurs de science-fiction, à une époque où le genre vivait une seconde jeunesse, porté par le cinéma et la littérature populaire.
Les bandes dessinées originales constituaient le cœur du magazine. On y croisait les styles et les influences, du réalisme technique à la fantaisie spatiale, avec des signatures telles que Marcel Abad, Claude Esposito, René Pellos, Tony Hawkee ou encore Jimmy Guieu, célèbre romancier de SF française qui y apportait sa touche pulp et mystique.
Autour de ces récits venaient s’ajouter articles, critiques et interviews, dont une mémorable conversation avec Jean-Claude Mézières, le co-créateur de Valérian et Laureline, preuve que Neutron voulait aussi dialoguer avec les grands noms du genre.
Sept numéros verront le jour, publiés sur une période d’à peine deux ans. Les six premiers furent ensuite regroupés en deux volumes reliés — une forme d’“intégrales avant l’heure” — tandis que le numéro 7, enrichi de pages couleurs, restera isolé. Ce dernier est aujourd’hui le plus recherché par les collectionneurs, témoin d’une revue qui n’a pas eu le temps d’atteindre sa maturité.
Pourquoi Neutron a-t-il disparu si vite ? La réponse tient sans doute à un mélange de contexte économique difficile et de concurrence écrasante. Au début des années 80, la presse BD de science-fiction est dominée par des mastodontes comme Métal Hurlant ou Pilote nouvelle formule. Face à ces titres mieux diffusés et mieux financés, un magazine comme Neutron, distribué plus modestement, avait peu de chances de s’imposer durablement. Pourtant, son ambition éditoriale et la sincérité de sa démarche en font aujourd’hui un témoin précieux de cette époque foisonnante.
Quarante ans plus tard, les exemplaires de Neutron sont devenus des pièces de collection que l’on déniche au hasard des brocantes ou des sites spécialisés. Leur intérêt dépasse la simple nostalgie : ils incarnent un moment particulier de la BD française, celui où la science-fiction cherchait encore sa place entre expérimentation graphique, récit populaire et réflexion sur le futur.
Oublié du grand public mais respecté des curieux et des passionnés, Neutron reste un bel échec éditorial, à la fois fragile et visionnaire. Un magazine qui, le temps de sept numéros, a voulu croire qu’une autre science-fiction en bande dessinée était possible — plus libre, plus indépendante, plus cosmique aussi.
Et si son nom résonne aujourd’hui comme celui d’une particule perdue dans le vide, Neutron continue de briller faiblement dans la mémoire des amateurs de SF dessinée, comme un petit éclat oublié de la galaxie des années 80.







MERCI !
RépondreSupprimerMerci Anacho !!!!!!
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