Kronos : la SF naïve et attachante des années 80
Année 1980. Dans les pages du mensuel Albator, les lecteurs découvrent une nouvelle série de science-fiction signée d’un duo improbable : Henri Filippini, historien érudit de la BD, et Pierre Dupuis, illustrateur discret au trait clair. Leur création, sobrement intitulée Kronos, ne révolutionnera pas le neuvième art, mais elle porte en elle tout le parfum d’une époque où la science-fiction se voulait encore simple, aventureuse et un peu candide.
L’action débute en 2220. La Terre, abandonnée depuis deux siècles, n’est plus qu’un souvenir. Les derniers humains survivent dans la station orbitale Terra, sur le point de se désagréger. L’intrépide Virgil Speed, héros blond et sans peur, reçoit alors une mission quasi messianique : retourner sur la planète bleue pour voir si elle peut redevenir habitable. À ses côtés, un équipage disparate — dont un adolescent insupportable et une jeune femme à sauver — embarque pour une aventure semée de mutants, de vieilles civilisations et de vaisseaux perdus.
Le premier tome, Kronos, est un concentré de science-fiction populaire : décor post-apocalyptique, héros héroïque, méchants mutants, jolies femmes en détresse. On y sent autant l’influence de Star Wars que celle des pulps d’autrefois. Le dessin de Dupuis, bien ancré dans le style franco-belge, aligne des vaisseaux élégants et des planches lisibles, malgré une colorisation un peu fade. Filippini, lui, s’aventure en terrain nouveau : son scénario est linéaire, parfois naïf, mais porté par une sincérité touchante.
Un an plus tard paraît Objectif Kronos, suite directe où l’équipage quitte la Terre pour la planète d’origine des mystérieux Kronosiens. L’aventure vire alors au space opera pur jus, enchaînant batailles interstellaires et civilisations étranges. Moins inspiré, le second tome s’achève sur une promesse d’avenir — un troisième épisode qui ne verra jamais le jour.
Aujourd’hui, Kronos fait figure de curiosité. Ce diptyque Dargaud, noyé dans la vague de SF du début des années 80, n’a ni la profondeur métaphysique d’un Moebius ni la puissance graphique d’un Gimenez. Pourtant, son charme rétro agit encore. On y retrouve cette science-fiction insouciante, bricolée mais pleine d’énergie, qui faisait rêver les lecteurs avant que la BD SF ne devienne plus sérieuse, plus adulte, parfois trop.
Relire Kronos, c’est redécouvrir une époque où la conquête spatiale se racontait comme une aventure de pirates, où les héros s’appelaient Virgil Speed, et où l’espace restait un grand terrain de jeu. Un témoignage modeste mais sincère d’une BD qui, sans prétention, regardait encore les étoiles avec émerveillement.
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MERCI !
RépondreSupprimerMerci Anacho.
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