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mardi 28 juillet 2020

Garry (2ème compilation des séries éditées sur BDMag 01)



 Garry est une série de bande dessinée de Félix Molinari., publiée initialement aux Éditions du Siècle à Lyon.
La série démarre en 1948 sous la forme de récits complets dans le magazine Garry des Éditions du Siècle qui prendront ensuite le nom d'Imperia.

Le sergent Garry est un héros de la guerre du Pacifique. En plus d'un physique avantageux, il est considéré comme l'un des meilleurs officiers de l'état-Major américain. Très polyvalent, il va durant les 456 numéros endosser tous les rôles : tour à tour pilote, chef d'escadrille, instructeur et même agent secret.
Les conflits sont nombreux et Garry va combattre non seulement dans le Pacifique mais également en Chine et il fera également quelques escapades en Europe.

Parution de Février 1948 à Novembre 1985 : soit 456 numéros



Garry - 073 - 083 - 095 - 109


Une épaisse couche de brouillard recouvrait la pente recouverte de bambou, masquant la myriade de bunkers et de terriers qui serpentaient jusqu'au sommet de Snowdon East, recouvert de jungle.

En quelques heures, les Japonais avaient transformé cette colline birmane d’importance stratégique en une véritable forteresse qui barrait le chemin de Tamandu et un lien entre les forces britanniques, indiennes et africaines qui menaçait de sceller le destin de toute une armée.

De minute en minute les défenses devenaient de plus en plus fortes et le son révélateur du dur labeur que menaient les japonais parvenait aux oreilles des tirailleurs Gurkha entassés au pied de la colline, dans l’attente de l’ordre qui les ferait avancer.
Pour le major "Nick" Neill, commandant de la compagnie B du 3ème bataillon du 2ème fusillé Gurkha, le matin du 5 mars 1945 se déroula a planifié l’assaut, alors que l'ennemi améliorait régulièrement ses positions. De par sa position et averti d'être prêt à lancer une attaque plus tard dans la journée, il savait ce qui l'attendait, lui et ses hommes.

Ce n'était qu'une question de temps. La 54ème division japonaise, bloquée au sommet d'une colline, était déterminée à se battre jusqu'au dernier homme.
La confirmation a été donnée sous la forme d’un briefing dans l’obscurité du matin. La soixantaine d'hommes de la compagnie attaqueraient à 14h30, le temps que le brouillard se dégage. Le colonel n'a pas caché l'ampleur de la tâche à laquelle ils étaient confrontés. Une pénurie de munitions d'artillerie signifiait qu'ils seraient soutenus par un bombardement de deux minutes tiré par une seule batterie de 25 pounders et deux canons moyens.

À partir de la pointe nord de Snowdon West, Neill chercha vainement à travers la brume matinale d’apercevoir le sommet de la colline qu'il devait prendre d'assaut. En l'état actuel des choses, il ne voyait pas à plus de vingt mètres et, tout en sachant que les Japonais tenaient maintenant le sommet le plus au nord avec une certaine puissance, il ne savait absolument pas ce qui l'attendait dans l'ascension sud.
Alors que les heures s'écoulaient jusqu'à l'heure H, il se mit au travail pour se préparer à l'attaque. Il a veillé à ce que chaque homme dispose de munitions en suffisance: 100 cartouches par tireur, 25 chargeurs par Bren et 10 chargeurs par mitraillette Thompson. 

En outre, il s’assurait qu’il y avait un stock de grenades supplémentaire pour que chaque homme emporte cinq grenades en plus des deux grenades au phosphore blanc WP 77  (grenade destiné à la pose d'écrans de fumée et à la signalisation, la grenade était également très efficace en tant qu'arme antipersonnel et incendiaire) portées par chaque peloton et chaque commandant de section. Puis, après un repas de thé et de biscuits, il les conduisit à leur position de départ au pied de Snowdon.
"En regardant vers notre objectif, nous pouvions voir très peu en dépit du fait que le brouillard avait maintenant disparu", écrit-il plus tard. "Nous pouvions entendre l'ennemi continuer à creuser, mais nous ne pouvions voir aucune de ses positions à cause de l'écran épais de la jungle de bambous qui couvrait la colline. Au-dessus de la pointe des bambous, nous pouvions voir le sommet de Snowdon East à 200 mètres. "



Même s'il restait à peine deux heures avant le début de l'assaut, Neill estima qu'il était essentiel de connaître plus en détail les dispositions de l'ennemi et le terrain que ses hommes devraient parcourir. Avec ça à l'esprit, une section dirigée par le Naik (Caporal) Tule Ale, un sous-officier expérimenté, avait été dépêchée à la hâte pour tracer la topographie et repérer autant de bunkers et de tranchées japonais en se faisant délibérément tirer dessus.

Les ayant vus disparaître dans le bambou, Neill fit face à une attente anxieuse. "Pendant environ 10 minutes, il y a eu un silence, mis à part le bruit des Japonais creusant", écrit-il. "Puis le bruit de la fouille s’arrêta soudainement et nous, du groupe O, nous nous regardâmes - l’ennemi avait évidemment entendu Tules s’approcher et nous nous tenions debout.

Puis une grenade japonaise a explosé, puis une autre, puis une autre, puis nous avons entendu notre section répondre avec le fusil Bren et ensuite, à notre plus grand soulagement, nous avons entendu les Japonais répondre avec ses TMA de type Taisho et de Type 96 et indiquer, nous l'espérions, leurs positions à la patrouille de Tule.
Cinq minutes plus tard, la colline se tut quand le petit groupe de Gurkhas, leur mission accomplie, a rompu le contact et est reparti. Ils ont apporté avec eux des informations indispensables à l'attaque. En plus de révéler que le bambou s’arrêtait à 100 mètres d’un sommet de Snowdon East partiellement recouvert d’une épaisse jungle, Tule signala que les pentes qu’ils devaient escalader étaient parsemées d’arbres abattus.

Plus important cependant, Tule avait pu localiser avec précision cinq nids de mitrailleuses ennemies. Aucun feu n'avait été tiré du sommet sud, ni d'une crête voisine, connue sous le nom de Whistle, amenant les Gurkhas à supposer qu'ils étaient inoccupés.
Son plan était "simple et direct". L'attaque se ferait avec deux pelotons, l'un pour capturer la partie nord du sommet et l'autre pour prendre la section sud, un troisième peloton étant retenu en réserve.

A 14 h 28 la batterie de 25 pounders et les deux canons moyens tonnaient et les obus "sifflaient et gémissaient ... pour faire éclater les positions des Japonais sur Snowdon East".

Pendant deux minutes, la compagnie 'B' attendit et regarda les obus arriver et fendre les gros arbres devant eux.
Quand le bombardement a cessé, ils étaient tous sur le chemin. Les Gurkhas des 4ème et 5ème  pelotons se sont avancé tête nue, leur chapeau ayant été laissé derrière eux comme une charge inutile. Il y eut un silence de mort, brisé seulement par le craquement des bambous. Il n'y avait aucun bruit provenant des positions japonaises et Neill se demanda quel effet, le cas échéant, le bref bombardement avait eu sur elles. Finalement, le bambou a cédé la place à la jungle primaire où l’impact terrible du bombardement était évident. Sur la droite, la jungle sèche commençait à brûler et, sur les pentes les plus basses, se trouvaient des arbres éclatés et brisés.

C’est à ce pire moment possible, alors que les Gurkhas luttaient pour trouver un moyen de surmonter la barrière, que les Japonais ont ouvert le feu "avec toutes les armes qu’ils possédaient" à un peu plus de soixante-quinze mètres. "Les soldats ont commencé à tomber, basculant dans le maquis comme des lapins abattus", écrit Neill.

Puis, à la tempête de feu, s’est ajouté un flot de grenades. Incroyablement, malgré tout ce qui leur a été lancé, les Gurkhas n'ont pas faibli.
"Les individus dans les pelotons s'arrêtaient pour se mettre à l'abri et tirer sur la pente raide en direction de l'ennemi. Ils avançaient lentement, mais sûrement, en faisant sauter les défenses  ennemies sur la colline par le feu et le mouvement", a poursuivi Neill. "Ensuite, ils nous ont encore frappés."

Le feu venait du flanc gauche, de la colline connue sous le nom de Whistle, dont Neill avait été amené à croire qu'elle n'était pas occupée par les Japonais. Au moment où il s'est rendu compte de son erreur, les balles de deux mitrailleuses "tondaient comme une faux dans un champ de blé" à la hauteur des hanches dans les rangs du 4ème  Peloton et sur le flanc gauche du 5ème  Peloton

Exploitant la confusion momentanée, les troupes japonaises, enterrées au-dessus, intensifièrent leurs tirs. C'était un moment de crise. "Avec le nombre de soldats qui tombaient et le rideau de feu qui s'épaississait et empêchait tout mouvement libre, nous avons commencé à vaciller puis à nous arrêter", a noté Neill.

"La couverture était recherchée partout où elle pouvait être trouvée et la longue lutte contre les tirs, qui devait utiliser une si grande partie de nos précieuses munitions, a débutée entre nous et l'ennemi pour atteindre l'objectif."

Les restes de la compagnie «B» ont été épinglés au sol, tout l’élan de l’attaque était parti. Les pertes en vies humaines étaient également en hausse, principalement dû aux grenades et aux mines qui continuaient de rouler sur eux.

Il était devenu évident que la compagnie B était autonome, il n’y avait pas de soutien aérien ou blindé auquel faire appel. Neill gisait au sol parmi les arbres brisés et comprenait que "désormais, ce seront les fantassins du 2ème  Gurkha contre les fantassins de la 54ème  division japonaise".

En dépit de tout cela, Neill était déterminé à mettre fin à l'impasse. Reconnaissant que son plan initial avait échoué, il décida de rappeler son peloton de réserve afin de donner un nouveau souffle à l'attaque afin de tenter de se frayer un chemin parmi les positions japonaises. Mais alors même qu'il réfléchissait à la justesse de sa décision, l'inattendu se produisit et les actions d'un seul soldat changèrent le cours de la bataille.

Cet homme était Lance-Naik (caporal suppléant) Chamarsing Gurung. Commandant de section du 5ème peloton, il avait vu ses hommes se faire tuer autour de lui. Se levant, hurlant des obscénités aux Japonais au-dessus de lui, il commença à gravir la colline, à travers les troncs d'arbres cassés et la grêle de tirs et de grenades lancés sur lui.
"Poussés par les cris d’encouragement des hommes de sa section et de son peloton", écrit Neill, "Lance-Naik Chamarsing courait de haut en bas de la colline, arrosant devant lui avec son pistolet mitrailleur, changeant de magasin au fur et à mesure qu’ils se vidaient.
Il a été frappé par Dieu sait combien de balles comme il a atteint la première tranchée ennemie, mais il s’est avancé en trébuchant, serrant la détente de son PM jusqu'à ce qu'il tombe mort dans la tranchée Jap. ". Selon Neill, l'extraordinaire sacrifice de soi de Chamarsing a eu un effet électrisant sur tous les témoins et a contribué à transformer "ce qui aurait pu être une défaite en victoire ".

Les plus remarquables d'entre eux sont les exploits du tireur Gurkha Bhanbhagta âgé de 23 ans, originaire de Phalpa, dans l'ouest du Népal. Suite à la disparition de Chamarsing il est devenu le commandant en second de la section d'assaut droite du 5ème  Peloton. Inspiré par le courage de Chamarsing, il a crié à ceux qui étaient encore en vie autour de lui de le suivre pendant qu'il gravissait la colline. La réaction entre les restes des pelotons n° 5 et 4 a été instantanée. Pour Neill, il semblait que les deux pelotons se soulevaient comme un seul homme. Ils ont à nouveau été accueillis par des averses de grenades et des tirs qui ont dilué leurs rangs. "Une fois encore," observa Neill, "les pelotons d'assaut vacillèrent devant l'incendie meurtrier et furent amenés au sol, cette fois à seulement 20 mètres sous les tranchées avancées."

Cependant, cela ne devait pas être une répétition de la lutte longue et inefficace. "Aussitôt que les deux pelotons se sont retrouvés à l'abri, Bhanbhagta, sans attendre aucun ordre, se précipita seul et attaqua la tranchée ennemie la plus proche juste au-dessus de lui. Lançant deux grenades, il tua les deux occupants et, sans hésiter, s’est précipité vers la tranchée suivante et a passé sa baïonnette à travers du corps d’un Jap.
 "Soudainement, la colline a explosé dans une frénésie de luttes sauvages alors que les Gurkhas survivants chargeaient à nouveau. "Cette fois-ci", écrit Neill, "il n'y avait pas moyen de les arrêter". Les combats se sont déroulés au corps à corps et Bhanbhagta était tout au long au premier plan.

Pendant tout ce temps, il a été soumis à des tirs presque ininterrompus de mitrailleuses provenant d’un bunker situé à l'extrémité nord de la colline. Conscient du danger que cela représente, non seulement pour son propre peloton, mais pour le peloton n ° 4 qui se battait au cœur de la position ennemie, le jeune homme s’élança vers le danger.



Pour la cinquième fois, il partit seul pour le faire taire. La façon dont il a survécu à la tempête de feu dirigée contre lui était au-delà de la compréhension de quiconque. Des témoins l'ont regardé avec un mélange de crainte et d'étonnement alors qu'il doublait le sommet de la colline.

Ensuite, ils l'ont vu sauter sur le toit du bunker d'où, son stock de grenades épuisé, il a jeté deux grenades au phosphore N ° 77 à travers la fente.

Deux des occupants se sont précipités dehors, leurs corps allumés du phosphore en feu, pour être instantanément abattus par le kukri de Bhanbhagta.

Cependant, l'un des défenseurs a refusé de céder. Malgré des blessures épouvantables, il a utilisé sa mitraillette, tirant et retardant l'avancée du peloton n ° 4 jusqu'à ce que Bhanbhagta se glisse à l'intérieur de la chambre étouffée par la fumée et, dans une lutte claustrophobe à mort, "a éclaté la cervelle du tireur japonais avec un rocher".

Là où Bhanbhagta a conduit, d'autres ont suivi. Dans une frénésie de combats, les tranchées ont été conquises et les bunkers pris d'assaut jusqu'à ce que tous les défenseurs japonais soient morts ou chassés de la colline. Alors que les survivants des pelotons d'assaut envahissaient la crête, ils ont été rejoints par le peloton de réserve qui s'était frayé un chemin sous les tirs nourris de Whistle et avait battu une charge à la baïonnette contre une douzaine de soldats japonais.

En fin de journée, Snowdon East était entre les mains des Gurkha. Malgré leur nombre réduit, ils ont résisté à pas moins de 5 contre-attaques. La première d'entre eux, une charge Banzai typique, a été en grande partie défaite par quatre Gurkhas qui, sous la direction de Bhanbhagta, avaient occupé le bunker qu’ils avaient capturé récemment.

À court de munitions et de grenades, les restes de la compagnie «B» se sont accrochés. Les deux dernières attaques ont été repoussées avec des pierres, des baïonnettes, des kukris et les quelques munitions restantes de mitraillettes.
Le sommet de la colline, dénudé et encaissé, dépouillé de la majeure partie de la jungle, ressemblait à un charnier. Neill écrit  "Les corps des hommes tués commençaient déjà à se décomposer. L'odeur de cordite brûlée et d'explosif puissant ... se mêlait à la puanteur du sang, des intestins versés, de la chair en décomposition des derniers disparus amis et Japs. "



La compagnie B a payé un prix effrayant pour sa victoire. Sur la soixantaine d'hommes qui ont franchi la ligne de départ cet après-midi-là, onze ont été tués, un autre est décédé de blessures et trente-quatre ont été blessés.

Les pertes japonaises étaient encore plus lourdes. Environ trente-cinq corps ont été dénombrés au sommet de Snowdon East; plus de quatre-vingts ont été retrouvés sur les pentes et les ravines environnantes, victimes des contre-attaques manquées.

Le dernier à mourir était un tireur solitaire, tué par Neill alors qu'il visitait le périmètre le plus au nord de la position. Après cela, il y eut un silence.
«En regardant autour de moi, écrit Neill, je pouvais difficilement croire que c’était tout ce qui restait de ma compagnie« B ». Les visages fatigués et hagard des soldats se tenant debout dans les tranchées à proximité portaient la preuve de la tension des trois dernières heures de combat. J'étais très fier d'eux. Ils s'étaient bien souvenus des instructions de leur colonel et avaient capturé Snowdon East, quel qu'en soit le coût. "

Le lendemain de la bataille, Neill a été approché par le commandant du bataillon. Il lui a dit qu'il "ferait bien d'examiner attentivement la question de placer Bhanbhagta pour une Victoria Cross". Le jeune commandant de compagnie écrivit une recommandation  "De tous les hommes courageux de ma compagnie",  "Bhanbhagta était le seul à être le plus courageux des plus courageux."
 Garry - 080-088-090-093


Avril 1944, la Grossdeutchland à Targul.


L'Oberleutnant Hans Joachim Jung, chef d’un
Zug de Panzerkampfwagen IV du Panzer-Regiment
de la «Grossdeutschland » se souvient de
ce printemps sanglant !

À la fin du mois de mars 1944, après sa percée dans le secteur d'Ouman, le 2ème  Front ukrainien campe aux portes de la Roumanie. Le 31 mars, franchissant le fleuve Dniestr, les 2ème  et 6ème  armées blindées soviétiques se portent au cœur de la Moldavie. En 72 heures, les chars de l'Armée Rouge atteignent les rives du Prout, dernière barrière naturelle les séparant des Carpates. Intégrée à la 8ème  Armée du General der Infanterie Otto Wöhler, la Panzer-Grenadier-Division «Grossdeutschland », qui en date du 6 avril ne compte plus que six chars en état de combattre, est envoyée dans le secteur de Targul-Frumos afin d'y épauler les débris de la 46ème  Infanterie-Division ainsi qu'une brigade roumaine. À l'aube du 25 avril, la bataille de chars de Targul-Frumos débute. Elle durera plus d'une semaine.


Ce ne furent pas les Soviétiques qui prirent la décision d'ouvrir les hostilités mais nous. Mettant en pratique le vieil adage qui consiste à dire que « la meilleure défense est encore l'attaque  le Generalleutnant  Von Manteuffel organisa un raid blindé avec pour premier objectif le petit village de Ruginoasa. A l’aube du 25 avril 1944, nous nous mimes en route vers le front.

Notre dispositif était le suivant : en avant, disposés en triangle inversé, roulaient les Panzer IV, derrière eux : pour les couvrir avec leurs 88 et 75 longs, les Tiger et Panther suivaient.

Rapidement, nous parvînmes à enfoncer les premières positions soviétiques établies en premier rideau devant Ruginoasa,  détruisant au passage plusieurs canons antichars de 76,2mm.
En approchant de Ruginoasa nous fûmes engagés par des antichars embossés à l'entrée du bourg ainsi que des T-34. Grâce aux flashs produits lors des coups de départ des 76.2 russes, je parviens à repérer une quinzaine de machines ennemies. Je n'étais pas le seul, car, derrière nous, les Panther et les Tiger commençaient à répliquer. Leurs obus de 88 et 75 filaient à des vitesses folles, passant avec fracas à quelques mètres de nos Panzer IV pour aller s'écraser sur les chars russes qui avaient eu la malheureuse idée de dévoiler leur position. Tandis que nos « lourds » continuaient à confortablement allumer les T-34, nos artilleurs entrèrent dans la danse.
Simultanément ou presque, les « Kanonenvogel » (Stuka) de Rudel arrivèrent, passant en rase-mottes juste au-dessus de nous. Au loin, nous les vîmes ouvrir le feu avec leurs pièces de 37mm sur les Soviétiques. Il devait y avoir une vingtaine d'avions. Ils firent trois passes puis disparurent à l'horizon. 

Après leur départ, le village de Ruginoasa avait totalement disparu sous un épais nuage de poussière. Plusieurs colonnes de fumées noirâtres s’élevant dans le ciel nous indiquaient que des véhicules avaient été mortellement touches.

J'ordonnai à mes chefs de char de foncer sur la localité à pleine vitesse et en zigzagant légèrement de manière à dérouter les équipes antichars ennemies. Déployés en ligne, mes blindés avançaient comme à la parade tandis que nos camarades, restés en arrière, nous couvraient.
Parvenus à 400 mètres des premières maisons, nous fûmes pris à parti par des mitrailleurs soviétiques. Leurs balles ferraillaient sur notre cuirasse. Repérés, ils furent rapidement réduits au silence par mon mitrailleur de caisse

Plus inquiétant, j'aperçus la silhouette caractéristique d'un T-34 manœuvrant entre deux maisonnettes. Le temps de faire pivoter notre tourelle dans la direction du char russe, il avait disparu, refusant l'engagement.

Sur ma droite, mon attention fut soudainement attirée par une grosse meule de foin stockée devant une maison. Étrangement, cette meule semblait bouger, tout doucement, comme si elle était en vie ! En y regardant de plus près, je pris conscience que « ma » meule de foin n'était rien d'autre que la tourelle d'un T-34 très habilement camouflée.


Heinrich, mon tireur,  fut ravi de lui régler son compte ! Touché, le T-34 se mit aussitôt à brûler ; sa tourelle, soufflée par une violente explosion, atterrit à plusieurs dizaines de mètres, manquant de peu de finir sa course sur le Panzer de Hüneke. Il était temps de dégager de ce coin devenu très inconfortable !
Nous reprîmes notre progression dans Ruginoasa  suivant des traces laissées par des chenilles de chars russes. Sans nous en rendre compte, nous arrivâmes bientôt à proximité de la principale position défensive ennemie. Stationnés derrière des murets et des clôtures en bois, nous tournant le dos une petite vingtaine de T-34 et de SU-S5 était en train d'échanger des « politesses » avec les Panther du Panzer-Regiment 24 et le reste de notre Kampfgruppe. Nous avions réussi à prendre à revers les « Popof ». L'occasion était trop belle. Mes chars se mirent en position sans se faire repérer par l'ennemi, puis, parvenus à moins de 300 mètres, nous ouvrîmes le feu sur les machines russes. Le détachement blindé adverse fut détruit en moins de cinq minutes.

Restait alors à nettoyer le village de l'infanterie russe qui s'y était camouflée. Je n'aimais pas ce genre de missions, surtout lorsque nos Panzergrenadiere n'étaient pas avec nous. Privé de son escorte de fantassins, un char évoluant en zone urbaine est une cible aisée pour un groupe de combat ennemi déterminé et entraîné. De ce point de vue, les Soviétiques étaient passés maîtres dans l'art de dézinguer un blindé, même lourd, avec de simples grenades incendiaires ou des explosifs !

Tournant dans une rue à angle droit, je tombai nez à nez avec l'un de nos Tiger. Le capot moteur du mastodonte était en feu, certainement touché par un cocktail Molotov jeté depuis l'étage d'une maison. 
Au moment où nous commencions à reculer pour nous éloigner de cette énorme bombe à retardement, je vis la trappe de la tourelle du chef de char s'ouvrir. Un officier jaillit alors de la tourelle. Il sauta sur la plage arrière de son blindé. Équipé d’une hache, se tenant sur son engin, il se mit à sectionner les cordes qui maintenaient en place le barda de l'équipage puis, dans la foulée, étouffa le feu ! Sa tâche accomplie, il remonta à bord de son Tiger pour reprendre le combat, comme si de rien n'était !
La résistance soviétique commençait à donner des signes de faiblesse Le village quasiment tombé entre nos mains, je décidai, conformément aux ordres, d'engager mes Panzer vers Balusesti.

L'opération se déroulait bien...peut être un peu trop bien ! Il me semblait étrange que les Soviétiques n'aient pas truffé le secteur de pièces antichars. La réponse à ma question ne se fit pas attendre, car quelques secondes plus tard, un 76.2mm nous engagea à moins de 500 mètres. Son obus passa très au loin de nos chars. Il n'eut jamais la chance de « remettre le couvert » car, simultanément, cinq Panzer ouvrirent le feu sur lui ! Hüneke et son équipage achevèrent le travail en roulant sur ce qui restait de ce canon.

Ce fut à ce moment qu'on m'ordonna de repartir vers Ruginoasa.  Les équipages harassés avaient reçu l'ordre de passer la nuit à Ruginoasa. Avant toutes choses, nous commençâmes par faire les pleins de carburant de nos Panzer et compléter nos stocks d'obus. Seulement après avoir nettoyé nos armes, nous nous installâmes sous nos chars pour chiper quelques heures de sommeil.

Dans la nuit du 26 au 27 avril 1944, nous fûmes mis en alerte, les Soviétiques s'apprêtant, selon nos observateurs avancés, à lancer une offensive sur nos positions. Les Panzer IV du II Abteilung, dont mon « 511 », furent envoyés en catastrophe dans le secteur de Ruginoasa. En nous approchant de la localité, nous nous déployâmes en ordre de combat. Luithle  qui était toujours le premier à repérer un char ennemi, fut à la hauteur de sa réputation, nous signalant par radio la présence d'un groupe de neuf T-34/76. Nous faisant face, ils étaient en train de foncer droit sur nous.

L'un d'eux ouvrit le feu sans succès. Un Panzer IV répliqua, puis un autre : l'affrontement tourna en une véritable mêlée, les blindés s'étant rapprochés à moins de 300 mètres les uns des autres. Ces équipages russes ne manquaient pas de courage mais ils n'avaient pas beaucoup d'expérience. Leur cas fut réglé en deux minutes.

Nous abordâmes Ruginoasa par l'Est.  Alors que l'on continuait à avancer, je fus pris d'une envie aussi pressante qu'irrépressible... J'ordonnai à mon pilote, de stopper le char derrière une grange dont le toit avait disparu puis je sautai au sol depuis ma tourelle pour me dégoter un petit coin tranquille afin de me soulager. Ce fut précisément à ce moment-là que soudain, à une trentaine de mètres, un T-34 embusqué démarra en trombe dans un nuage de fumées.

Je n'avais pas entendu son moteur car son bruit était couvert par celui de notre propre machine qui tournait au ralenti ! Le « Popof » se mit à rouler à pleine vitesse, entrant dans le village, sur les traces des chars de mes camarades. De toute évidence, il avait l'intention d'attaquer notre groupe en le prenant à revers. « Forçant la cadence » je me pressais pour finir et rejoindre mon Panier au plus vite.

J'avais dans l'idée de prendre ce T-34/76 en chasse. Mais, ce fut peine perdue car Heinrich, qui lui aussi l'avait repéré, lui expédia un perforant dans le moteur.

Notre route était sensiblement identique à celle que nous avions suivie lors de notre raid précédent. Après avoir nettoyé Ruginoasa pour la deuxième fois, nous nous dirigeâmes vers les lignes soviétiques, au Nord. Au fil de notre avance, les tirs soviétiques redoublaient d'intensité. Aux 152mm s'ajoutaient des obus de 203mm. A mon bord, la fébrilité de l'équipage traduisait un stress important.
Nous avancions en direction de la colline n° 372. Tout en grimpant la pente, nous chassions l'infanterie russe qui avait élu domicile dans le secteur. Les MG34 avalaient les bandes à une vitesse folle. 

Nous étions parvenus au sommet du raidillon lorsque le Panzer IP de Luithle légèrement en avant et sur ma droite, fut frappé de plein fouet par un obus antichar de gros calibre. Sa tourelle fut percée de part en part ! Son char s'arrêta puis prit feu. 

Je fis stopper mon blindé, espérant parvenir à aider le malheureux équipage. Je vis le chauffeur de Luithle et son radio évacuer le char et se mettre à couvert. Dix secondes plus tard. Luithle lui- même parvint à s'extraire de sa tourelle. Les flammes commençaient à lécher la tourelle. 
Sérieusement blessé, l'homme se roula sur le sol puis, à l'aide de son ceinturon, se fit un garrot autour d'une jambe. Il saignait abondamment. Un peu plus tard, il fut secouru par une équipe de brancardiers venue le chercher sous le feu ennemi.
D'autres perforants percutaient dans le secteur qui devenait de plus en plus dangereux pour nous. Notre chef de bataillon nous ordonna de nous replier et de nous mettre à l’abri dans une ravine qu’il avait repérée au pied de la colline.
Sur le terrain, confronté au danger d'être engagés sur nos flancs par des pièces antichars de gros calibres, nous décidâmes de mettre un terme à notre attaque. Replies sur Ruginoasa. Nous attendîmes l'arrivée de notre infanterie.

Depuis 48 heures, les signes montrant que les Soviets avaient décidé d'en finir avec Targul-Frumos étaient devenus légion. Des reconnaissances nocturnes menées par des volontaires nous avaient permis de savoir que l’Armée Rouge avait massé plus de 350 chars dans le secteur. Le soir du 1er mai Je reçus l’ordre de faire mouvement vers la colline n° 256 et d'y prendre position en prévision d'une prochaine attaque des Russes. Après avoir parcouru environ sept kilomètres, nous atteignîmes notre objectif vers 1h00. Nous étions le 2 mai I944.

Peu après notre arrivée nous entendîmes des grondements dans le ciel. C’étaient des bombardiers russes qui se dirigeaient vers les positions arrière de la division, près de Targul-Frumos. La Flak commença à tirer. Le ciel était zébré de traçantes. 

Le fait que ces avions ignorèrent nos avant-postes pour s’en prendre à nos arrières signifiait que les « Rouges » voulaient mener à bien une percée en profondeur. Un peu plus tard dans la nuit, ce fut notre artillerie divisionnaire qui entra dans la danse. Nos canonniers arrosaient copieusement les positions avancées russes, espérant ainsi désorganiser les troupes qui se préparaient à nous assaillir.

Comme toujours, les Soviétiques ne furent pas en reste et déclenchèrent des tirs de contrebatterie. 

Mais tout cela n'était rien en comparaison de ce qui se passa lorsque ma montre indiqua 4h00 pile ! En quelques secondes seulement, nos positions furent littéralement noyées sous un déluge de feu et de fer. Des obus de tous calibres se mirent à nous dégringoler dessus.

Les Russes employaient aussi leurs roquettes, les « Stalinorgel ». Ces engins s'écrasaient sur nous avec une sorte de cri strident. 
Pour éviter d'être blessés, nous nous enfermâmes dans nos chars. Targul-Frumos était la principale cible de cette préparation d'artillerie.

Bientôt, ce fut au tour des «Sturmovik» de passer à l'attaque. Ils volaient à basse altitude, s'en prenant à tout ce qui n’avait pas été consciencieusement camouflé.

La Flak, concentrée devant Targul-Frumos pour y dresser un rideau antiaérien et antichar, enregistra ses premières victoires de la journée en abattant plusieurs de ces machines. Quant à moi je savais pertinemment que si les Soviétiques déclenchaient une importante attaque blindée, ce qu’à coup sûr ils n'allaient pas se priver de faire, nous ne pourrions pas tenir notre position.

Aux premières lueurs du jour, des T-34 partis de la zone de Bals attaquèrent nos positions. Ils furent repoussés par les « Grenadiere » aidés des StuG. Bien servis, les StuG armes de 75 longs étaient des engins qui pouvaient faire un excellent travail. En un court laps de temps, le champ de bataille fut recouvert de carcasses fumantes.

La bonne nouvelle était que les Russes venaient de se casser les dents sur nos défenses. La mauvaise fut l'apparition d'un nouveau modèle de char soviétique équipé d'un canon antichar D-25T de 122mm à très longue portée.
Malgré la distance, je pouvais suivre la progression des opérations. Du côté de Ruginoasa il y avait aussi des combats opposant nos blindes à ceux des Russes. Je parvins à compter les T-34 engagés dans ce coin-là ; ils étaient 200 ! Aussi incroyable que cela pouvait paraître, là-bas aussi, nos hommes tenaient.
Dans l'après-midi, la pression soviétique se reporta dans la zone de Facuti où une quarantaine de T-34 transportant des grappes de fantassins engagèrent les Sturmgeschülz de Diddens et quelques-uns de nos Panzer. Roulant à plus de 50 km/h. un groupe de chars russes s'enfonça dans la localité tandis qu'un second détachement s'arrêta à la périphérie de Facuti afin de couvrir leurs camarades.

Sur place, de violents combats de chars se déroulèrent. Ils duraient déjà depuis trente minutes. Nos copains, numériquement surclassés par les Russes, étaient en train de « déguster ».

Sur les coups des 17 heures, un groupe de Panzer de la 24ème  Panzer-Division déclencha une contre-attaque sur les arrières des éléments soviétiques qui étaient en pointe. Ce fut un carnage! Totalement surpris par l'arrivée soudaine des Panther, une partie des chars russes se replia tandis que le reste fut réduit à l'état de ferrailles cramoisies. Pour éviter aux équipages de la 24ème Panzer-Division d'être engagés par les « lourds » ennemis et leurs redoutables 122mm, notre artillerie avait dressé un rideau de fumigènes. L'affaire fut bien montée et rondement menée !
En début de soirée, alors que les hostilités semblaient être ponctuellement suspendues, je reçus l'ordre de m’avancer jusqu’au village de Cucutcni. Sur-place, je retrouvai l’Oberleutnant Stadler et son Tiger. Stadler était Autrichien, il venait de Vienne. Quoiqu’il puisse se passer, cet homme était toujours souriant. En faisant le tour de Cucutcni, je compris pourquoi nous y avions été envoyés, car hormis le Tiger de Stadler et mes trois Panzer IV, il n'y avait aucune autre unité pour protéger ce gros hameau. L’infanterie n'était pas là. Le quartier général m'informa que nous allions recevoir le renfort de quelques Sturmgeschütz III.
Effectivement, peu avant l'aube, trois canons d'assaut s'approchèrent de Cucuteni lorsque, soudain, ils furent engagés par une quinzaine de T-34 qui étaient parvenus à s'infiltrer dans nos lignes. Les StuG se mirent immédiatement à l'abri, protégés par les tirs du Tiger de Stadler. 

Ce fut à ce moment précis qu'une quarantaine de T-34, dont certains étaient armes de 85mm s'élança dans notre direction depuis une autre colline. Roulant au milieu d'un champ de céréales, ils obliquèrent prés de nos positions. Ils filaient sur Targul-Frumos sans se préoccuper de nous. Les blindés russes étaient si rapides que nous ne pûmes les accrocher. Le soleil était en train de se lever. À bord de son Tiger, Stadler était en train de « s'expliquer » avec le premier groupe de T-34. Les StuG faisaient de même. Aussi, je pris la décision de redéployer mes engins pour tirer sur le second détachement de T-34. La bataille s’engagea bien, un premier char russe volant en éclats.

Comme toujours, j'étais debout dans ma tourelle les pieds posés sur ma caisse de munitions, la tête sortie de la  tourelle. J'étais en train de guider Heinrich lorsqu'un éclat d'obus ricocha sur le toit de la tourelle.

Il acheva sa course en se fichant dans mon visage, me crevant l'œil gauche. Tordu par une douleur aiguë, je m’effondrai aussitôt au fond de ma tourelle. Je n'y voyais plus rien, mon œil droit aussi
avait été touché par une myriade de petits morceaux d'acier chauffés à blanc. Je pris alors la décision de transférer le commandement de mes chars à Stadler. Pour moi, la bataille de Targul-Frumos était terminée.
Je fus évacué quelques heures plus tard à bord d'un Fieseler Storch sanitaire, puis, après avoir été transporté avec d'autres blessés à bord d'un Heinkel He 111, je fus admis dans un hôpital spécial, en Allemagne, pour y être soigné. Mon œil droit fut sauvé, pas le gauche. »

Comme Jung l'avait prévu, les combats du 3 mai furent tout aussi acharnés que ceux de la veille, les unités blindées russes multipliant les tentatives pour pénétrer au cœur du dispositif allemand jusqu’au 5 mai. Au cours de la bataille de Targul-Frumos, les Soviétiques enregistrèrent la perte de plus de 200 blindés sur les 600 dont ils disposaient pour leur opération. Quelques JS-II furent épinglés au tableau de chasse des équipages allemands. En face, les moyens blindés de la Panzer-Grenadier-Division «Grossdeutschland» et de la 24ème Panzer-Division s'élevaient, au plus fort de la bataille, à une vingtaine de Panzerkampfwagen IV lang, six Tiger, une vingtaine de StuG III et une petite dizaine de Panther.
Le secteur de Targul-Frumos fut relativement calme jusqu'à la fin du mois de mai. Début juin, une nouvelle offensive de l’Armée Rouge se déclencha en Roumanie, celte fois dans le secteur d’Iassi. Comme à Targul-Frumos la «Grossdeutschland » fut engagée pour stopper les Russes, ce qu'elle parvint à faire avant d'être envoyée, en août 1944 en Prusse Orientale et en Courtaude.

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Merci au  scanneur/retoucheur GG1 pour ces BD.
Il nous en a promis d'autres…alors n’hésitez pas à le remercier.

Bonne Lecture

Garry - 110



Bonne Lecture Pjp

3 commentaires:

Un petit merci et quelques mots font toujours plaisir, alors ne soyez pas timides ^^